Je garde de cette journée la sensation physique de chaleur, étouffante, moite, collante. Exactement comme je les aime. Parce que j’ai beau être née en novembre, je suis une fille du soleil, dans mon coeur et dans mon corps. Et dès le début de cette grossesse, je l’avais dit et redit, mon bébé serait un bébé d’été.
Je me souviens de cette sensation d’épuisement physique et moral, de certains messages qui se voulaient bien intentionnés mais qui rajoutaient une pression à mon coeur si lourd. De cette discussion avec mon bébé dans la voiture, celle où j’ai avoué mes limites, où j’ai abandonné la cape de superwoman pour juste être moi-même. Peut-être que c’est ce qu’elle attendait depuis tout ce temps…
Il y a eu l’odeur des sablés faits par Rose et mon Amoureux. Lorsque je lui avais demandé de faire son cahier de vacances, j’avais plus en tete des petits exercices mais une recette était venue s’immiscer. Il y a eu la décision de nous rendre à cette cueillette qu’on apprécie, en espérant faire le plein de fruits rouges. Pour changer de la tisane de fleurs de framboisiers…
Il y a eu cette parenthèse sous le soleil de fin de journée, celle où pendant presque deux heures, j’ai décidé de mettre de coté cette grossesse et cet accouchement qui ne venait pas. Les photos prises à trois, la brouette remplie, le kilo et demi de framboises ramassé avec fierté, les fous-rires.
Je me souviens de la première contraction de la soirée, de l’employée qui est sortie pour me demander si ça allait. Les contractions et moi, c’est une histoire qui dure depuis le premier trimestre, tout allait bien, merci.
Nous sommes rentrés à la maison et là j’ai su, que les contractions étaient différentes, très rapprochées, que mon corps s’était mis en travail, que j’allais rencontrer mon bébé, que je ne pouvais rien contrôler, seulement accueillir ce qui était et ce qui serait.
Et pendant deux heures, c’est ce que j’ai fait. Dans l’intimité de ma maison, avec mon Amoureux qui préparait le repas, avec ma fille qui me tenait la main et qui appelait son père lorsque les contractions venaient, avec mon chat stoïque sur son fauteuil, comme à son habitude. Dans mon salon, sur mon tapis de yoga, soutenue par le ballon, le regard, les pensées et les mots de ceux que j’aime. A mon rythme, à ma façon, en lien avec mon bébé. J’étais heureuse, euphorique même. Je garde en mémoire le goût des pates au pesto, la bouillotte dans mon dos et les sons graves qui accompagnaient chaque contraction, l’une après l’autre.
Je ne voulais pas aller trop tôt à la maternité, je savais que l’appréhension de ce que je vivais serait différente une fois là bas, dans une salle de naissance. Mais les choses se sont très vite accélérées et il a été décidé de partir. Après tout, on n’avait décidé de ne pas accoucher à la maison… Je me souviens m’être dit qu’une fois à la maternité, je demanderai la péridurale parce que je ne pourrais certainement pas tenir encore plusieurs heures avec cette douleur sans aucun répit.
Je me rappelle qu’à chaque contraction ressentie dans les reins, je sentais la tête de ma fille descendre et appuyer sur mon périnée. Je n’ai jamais été aussi connectée à mon corps que ce jour là. Lorsque je suis montée dans la voiture, que la poche des eaux s’est fissurée et que tout mon corps a eu envie de pousser, j’ai su que nous n’arriverions pas à temps.
Je n’ai pas eu peur, à aucun moment. Je savais que si cela allait si vite, c’était parce que justement tout allait bien… Que je pouvais nous faire confiance.
Il y a eu la bulle que je me suis construite pendant les 6 minutes de trajet. Le velours des sièges de la ZX, les tournants ressentis qui laissaient présager que la vitesse était certainement plus élevée que d’habitude, le silence et la concentration qui contrastaient après les sons graves.
Il y a eu l’expérience du lâcher prise complet et à 100%, celui qui rabat le caquet à ton esprit quand il commence à te lister tout ce qui pourrait mal se passer : dystocie des épaules, double circulaire, souffrance foetale, hémorragie de la délivrance. L’esprit était là, il avait le droit de faire son monologue mais pour la première fois, personne ne l’écoutait. Le corps était aux commandes, il avait pris le dessus, il dirigeait les opérations et il n’y aurait plus de retour en arrière possible.
Lorsque je pense à l’accouchement de Mila, c’est la même image qui revient inlassablement : je suis au bord d’une falaise qui est en train de s’effondrer, il va falloir sauter, en bas l’eau est si belle, d’un bleu transparent mais j’ai si peur de la hauteur, de la chute, je ne sais pas si je suis capable de faire ça, d’y arriver. Et puis je ferme les yeux, je ne réfléchis plus et mon corps décide de sauter dans le vide, parce qu’il n’y a pas d’autre choix mais que lui, il a confiance.
Je sens la tête, je prononce des mots, j’entends la voix de mon Amoureux, celle de ma fille. Je ne suis plus vraiment là. Ou plutôt si, je suis tellement présente, je n’ai jamais été aussi présente de toute ma vie. Je sais qu’on y est, que c’est ici et maintenant.
Mila est née dans notre voiture, sur le parking de la maternité, dans la position que mon corps avait choisie, aidée par mes hormones naturelles, sans aucune intervention et accueillie par les mains de son papa. Rien que de l’écrire, cela me semble tellement fou et magique. Une arrivée sur terre à la fois express et tellement douce en même temps.
Ce jour là, j’ai compris pour quelles raisons on pouvait dire que l’accouchement était l’un des plus beaux jours de notre vie et qu’on pourrait et voudrait recommencer le lendemain. J’ai compris qu’on pouvait trouver force et beauté dans la douleur, que donner la vie n’impliquait pas forcément d’expérimenter la souffrance, que certains rites initiatiques pouvaient aussi se vivre dans la lumière, que mon corps de Femme savait faire, qu’il était puissant et qu’il méritait plus que mon respect, ma gratitude. On se souvient à jamais lorsque la vie décide de nous offrir ce qu’on souhaite et ce dont on a besoin au plus profond de notre coeur.
J’ai surtout réalisé que tout ce que j’avais vécu pendant ces neuf derniers mois m’avait amenée exactement là où je devais être en ce 6 juillet 2017, que si tout n’avait pas été facile, tout avait été nécessaire et que rien que pour mon expérience d’accouchement, je ne changerais rien, absolument rien…
Merci de partager avec, encore une fois des mots si doux et beaux, cet instant magique. Je suis tellement heureuse de vous avoir croisés, tous les quatre, sur mon chemin de vie.
Je suis tellement émue par tes mots ma Ju …
Merci pour ce beau partage de récit de naissance ! <3
Celui de ta fille, et le tien aussi.
Je suis si heureuse que tu aies pu vivre cette expérience qui est pour moi une des plus folles, des plus intenses et des plus éblouissantes qu'il y ait à vivre sur cette terre.
J'étais tellement intimement convaincue que tu étais capable d'accoucher comme tu le souhaitais, que savoir que tu es allée au bout de toi-même, sentant que tu pouvais le faire, repoussant les doutes et acceptant pleinement l'instant et la tempête de ton corps, ça m'émeut à un point indicible. <3
Je suis vraiment heureuse pour toi, pour ce que cette expérience a changé en toi et pour ce qu'elle bouleversera peut-être encore, dans la perception de cette force et de cette puissance qui sont désormais tiennes, et que rien ni personne ne pourra t'enlever.
You did it. <3 (and I'm so so so proud)
L’emotion dans chque phrase me transperce tellement fort. Merci ma Julia d’avoir partagé le souvenir de si bel accouchement.
Je me rappellerai toujours du 6 juillet 2017 quelques minutes apres minuit…je fonçais sur mon vélo sur les notes d’Assaf Avidan pour entendre ta voix… la voix de bonheur et de soulagement. Je t’embrasse <3<3<3
Il n’y a pas de meilleure musique pour naître que la voix envoutante d’Assaf Avidan <3 Mila a déjà très bon goût, il faut dire que je l'écoutais pendant la grossesse 🙂
Merci d'avoir été là avec moi en pensées et physiquement (grâce au bracelet) le 6 juillet et tous les autres jours <3
Merci de m’avoir lue et d’avoir laissé ce commentaire si gentil et si bienveillant. C’est réciproque, ce que tu as écrit, j’espère que tu le sais 🙂
Merci pour tout ton amour et ta bienveillance ma Zou pendant cette grossesse. Tous nos échanges et partages ont été plus que précieux et ont contribué à me permettre de vivre cette expérience bouleversante et lumineuse. Tu as cru en moi plus que moi et je t’en suis infiniment reconnaissante <3
Magnifique ! Tu me donnes des frissons !